La performance est un art direct, un art d'engagement
dans le lieu et l'instant, avec les humains qui partagent ce même espace-temps.
Je ne parle pas de spectateurs car nous sommes ici au-delà de la scène
ou de l'exposition, dans un lieu de partage et de risque.
A la manière d'un accident de la vie, une performance s'impose dans
l'espace public et fait force d'événement, en cela elle est tout à fait
appropriée pour entrer en résonnance avec les risques industriels.
Le choix du scotch est une manière paradoxale de rendre un peu moins
éphémère l'art performance. Ainsi, le déroulé du scotch en direct, fixé
aux points d'accroche disponibles, permet de laisser une trace dans
le lieu investi par l'action artistique, une trace réelle, comme un
enregistrement visuel de la performance. Depuis plus de quinze ans,
j'explore le scotch comme un art à part entière. Plus qu'un matériau
ou un outil, c'est un mode d'expression complet et complexe. Facile
d'accès, il offre une grande liberté aux non initiés, enfants comme
adultes, et son potentiel artistique est infini.
Ma participation à cette commémoration de la catastrophe d'AZF m'a semblé
évidente pour de nombreuses raisons : j'ai habité 4 ans à Toulouse,
dans le premier squatt artistique qui est à l'origine de Mix'art Myrys
; la catastrophe d'AZF pouvait être évoquée dans les meilleures conditions
à l'intérieur des actuels bâtiments de mix'art Myrys, faits de béton,
de métal, et de grands espaces ; et dans le cœur de ma démarche artistique
se trouve le mélange des arts qui y était proposé (expérimentations
sonores, spectacles, concerts et performances).
Les barres métalliques lourdes suspendues au-dessus du béton à l'aide
de scotches fragiles transformaient l'image de l'explosion en un nid
délicat autant visuellement que symboliquement, ainsi que du point de
vue sonore (lorsque certains visiteurs entraient dans le nid ou jouaient
avec les fils de scotch, les barres résonnaient sur le sol, comme des
cloches païennes, échos du glas de la catastrophe).
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